Cela fait des années que l’ANODE (Association Nationale des Opérateurs Détaillant en Energie) réunissant de nombreux fournisseurs alternatifs à l’image de Direct Energie, Eni et Total Spring se battent pour la suppression définitive des tarifs réglementés de vente (TRV) de l’électricité. Dernièrement, elle a même bénéficié de l’appui de la rapporteuse publique au Conseil d’Etat Emilie Bokdam-Tognetti.
Le 18 mai 2018, le verdict est enfin tombé. A la grande déception des fournisseurs alternatifs, le Conseil d’Etat a voté pour le maintien des TRV. Cette décision a surpris plus d’un. Pourquoi mettre fin aux TRV du gaz et non pas à ceux de l’électricité ? Voici quelques éléments de réponse qui pourraient vous éclairer sur la question.
Les principales causes du maintien des tarifs réglementés de l’électricité
Certes, la décision du Conseil d’Etat est tout à fait surprenante si on se réfère à celle qu’elle a prise au mois de juillet 2017. Pour rappel, il a mis fin aux tarifs régulés du gaz en avançant qu’ils sont illégaux et contraires aux droits européens. Cependant, il se trouve que ce verdict est approuvé par la Cour de justice de l’Union européenne. En fait, on peut l’expliquer de deux façons.
L’électricité considérée comme un bien de première nécessité
Le Conseil d’Etat s’est penché sur l’avenir des tarifs réglementés de l’électricité en France depuis un bon bout de temps. Dans l’accomplissement de sa mission, il a saisi la Cour de justice de l’Union européenne afin de trouver un moyen de maintenir les tarofs rglementés tout en tenant compte du droit de l’Union européenne. Cette dernière a imposé trois conditions.
- Pour commencer, le maintien de ces tarifs en France est autorisé s’ils permettent la poursuite d’un objectif d’intérêt général.
- Il faut aussi respecter les conditions liées à leur proportionnalité à l’objectif poursuivi. Enfin, la Cour de justice de l’Union européenne exige également une application bien contrôlée, transparente et non discriminatoire de ces tarifs.
- Après avoir mené une étude minutieuse, le Conseil d’Etat a estimé qu’aucun objectif d’intérêt général ne permet le maintien les TRV du gaz. Raison pour laquelle, il a décidé de l’annuler. En revanche, il considère que l’électricité est un bien de première nécessité et que son approvisionnement sur tout le territoire de l’Hexagone est indispensable.
En d’autres mots, le Conseil d’Etat vient de trouver l’objectif d’intérêt général revendiqué par la Cour de justice de l’Union européenne. A cela s’ajoute l’argument des défenseurs du dispositif. Ces derniers estiment que l’électricité est une énergie non substituable.
L’électricité permet la stabilité des prix
Selon le Conseil d’Etat, le maintien des tarifs réglementés de l’électricité peut empêcher la volatilité des prix. Puisque l’électricité est une énergie de première nécessité, il est indispensable de bien encadrer les tarifs afin de sécuriser les consommateurs. Or, la disparition des TRV risque de générer une hausse des prix du marché. En effet, selon le Comité central d’entreprise d’EDF, les fournisseurs vont définir leur tarif au gré de leur propre intérêt puisqu’il n’y a plus de prix de référence.
En outre, le Conseil d’Etat a avancé que l’application des tarifs bleus ne constitue en aucun cas une démarche discriminatoire. Les fournisseurs alternatifs sont toujours en mesure d’aligner leurs offres aux tarifs réglementés. Cela élimine le risque de concurrence déloyale. Il se trouve aussi que le maintien des tarifs réglementés est un moyen de garantir la sécurité d'approvisionnement et de renforcer la cohésion territoriale.
Zoom sur les opinions de la cour de justice de l’UE par rapport aux tarif reglemntés
Maintenant, la question qui se pose est : est-ce que la Cour de justice de l’Union Européenne a validé entièrement la décision du Conseil de l’Etat. A priori, ses avis sont partagés. En fait, le juge émet quelques réserves.
Les motifs reconnus par le juge
La Cour de justice de l’Union Européenne a validé certains des motifs présentés par le Conseil de l’Etat. Ils concernent surtout la volatilité des prix l’électricité soit un produit de première nécessité. En revanche, le juge rejette l’argument qui stipule qu’une éventuelle disparition des TRV risque de causer une hausse des prix du marché. Si on tient compte du contexte actuel, les fournisseurs alternatifs ont toujours appliqué des prix largement inférieurs aux tarifs régulés. Enfin, le juge a aussi reconnu le caractère transparent du dispositif.
Des nouvelles conditions imposées
En fait, selon la Cour de justice, le dispositif qui encadre les tarifs réglementés de l’électricité ne répond pas aux exigences sur la proportionnalité. Tout d’abord, elle a émis des critiques sur le mode d’application des TRV. Pour information, ils sont destinés à tous les sites souscrivant une puissance inférieure à 36 kilovoltampères et ce, qu’ils soient résidentiels ou non-résidentiels. En d’autres termes, les tarifs régulés ne sont pas uniquement accessibles aux particuliers, mais aussi aux professionnels affichant une faible consommation d’électricité.
Pourtant, le juge estime que les grandes entreprises ne devraient pas bénéficier du même traitement que les autres. En outre, la Cour de justice de l’Union européenne critique le caractère permanent du dispositif. Elle demande « un réexamen périodique de la nécessité de l’intervention étatique sur les prix de vente au détail ».
La modification du dispositif nécessaire
En tenant compte des avis de la Cour de justice de l’Union européenne et des différents motifs avancés par le Conseil d’Etat, la pérennité des tarifs réglementés de l’électricité est assurée.
Mais pour assurer le maintien du dispositif, quelques modifications s’imposent. Elles concernent notamment la sélection des bénéficiaires des tarifs régulés. Le gouvernement pourrait inclure l’application de ces changements dans le projet de loi pour la croissance et la transformation des entreprises.
Les avis des fournisseurs alternatifs et des consommateurs
Les fédérations syndicales de l’énergie ont salué la décision du Conseil d’Etat. Pour information, elles ont demandé au gouvernement de pérenniser les tarifs reglementés. L’association des fournisseurs alternatifs d’électricité, quant à eux, a déjà fait part de leur déception.
Vers un saisi de la Commission européenne
Evidemment, l’Anode ne compte pas accepter facilement la décision du 18 mai 2018. Selon le directeur général délégué de Direct Energie, Fabien Choné, les fournisseurs alternatifs ne sont pas d’accord sur le fait que le maintien des tarifs réglementés garantit la stabilité des prix. Quelle solution vont-ils alors adopter ? En fait, l’Anode prévoit de saisir la Commission européenne. A priori, son objectif, c’est de protéger les intérêts des consommateurs et c’est justement l’argument qu’elle compte présenter.
Les consommateurs prêts à quitter EDF
Actuellement, EDF reste le leader du marché de l’électricité des particuliers. 82% des ménages français ont encore opté pour les tarifs bleus proposés par le fournisseur historique. Néanmoins, il commence à perdre ses clients. En effet, selon un bilan établi par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE), environ 100.000 consommateurs décident de quitter EDF chaque mois.
Les collectivités et les entreprises sont aussi de plus en plus séduites par les offres des fournisseurs alternatifs. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’elles sont beaucoup plus raisonnables.
En somme, le Conseil d’Etat a des motifs valables en décidant de maintenir les tarifs réglementés de l’électricité. Ils sont d’ailleurs validés par la Cour de justice de l’Union européenne. Néanmoins, cette dernière impose quelques conditions pour ne citer que le réexamen périodique du dispositif ainsi que la mise en place d’un traitement particulier pour les grandes entreprises. L’association des opérateurs concurrents d’EDF envisage de contester la décision du Conseil d’Etat et de porter l’affaire devant la Commission européenne.