Dans la nuit du samedi 24 au dimanche 25 mars 2018, la France est passée à l’heure d’été. Depuis sa mise en place, le changement d’heure soulève toujours des questionnements. Adopté dans le but de réaliser des économies d’énergie, le passage à l’heure d’été ne fait pas l’unanimité.
A 3h il est 4h. En été, l’heure avance, en hiver elle recule. Depuis des années, nous remontons machinalement nos montres et horloges en avant d’une heure avant l’été et en reculant d’une heure à la veille de l’hiver. Pourquoi exactement ? L’économie d’énergie est la principale raison de ce changement adopté voilà plus de 40 ans. Décidé durant le choc pétrolier en 1973, le changement visait, au départ, à faire des économies tout court, mais cette pratique permet surtout d’effectuer des économies d’énergie. En effet, l’instauration du changement d’heure avait comme objectif de faciliter la réduction de consommation d’énergie notamment en ce qui concerne les éclairages artificiels.
Les origines du changement d’heure
Si le changement d’heure a été institué en France en 1975 à la suite du choc pétrolier de 1973, le passage à l’heure d’été trouve son origine bien des années auparavant. C’est Benjamin Franklin qui a, en premier, eu l’idée en 1784 d’avancer l’heure. Il avait proposé aux Parisiens dans le Journal de Paris de décaler d’une heure le temps en été pour pouvoir profiter du soleil et ainsi faire des économies de bougies et de chandelles. Il avait même proposé de faire sonner toutes les cloches des églises au lever du soleil voire de tirer un coup de canon dans chaque rue pour réveiller ceux qui ne s’acclimateraient pas au changement d’heure. Son projet n’avait pas à l’époque été retenu. Il fallait attendre les années 1916 pour qu’on entende reparler de changement d’heure. L’Allemagne a été le premier pays à avoir adopté le changement d’heure, suivi par le Royaume-Uni, puis la France. A l’époque, cette pratique était adoptée pour économiser le charbon dans le contexte de la guerre. Avec la Seconde Guerre mondiale et l’occupation allemande, des modifications ont été effectuées avant que l’idée soit abandonnée en 1946. Ce n’est que vers 1975, au lendemain du choc pétrolier, que la France institue le changement d’heure. De 1973 à 1974, le passage à l’heure d’été avait été décidé au départ pour faire des économies comme le proposait Benjamin Franklin. L’ensemble des pays d’Europe ont adopté cette mesure à la fin des années 1980. Depuis 1998, le changement d’heure a été harmonisé au sein de l’Union européenne. Aux dates indiquées, tous les pays membres avancent ou reculent les aiguilles d’une heure. Le passage à l’heure d’été se fait le dernier dimanche du mois de mars, tandis que celui de l’heure d’hiver correspond au dernier dimanche d’octobre. L’heure d’été existe dans plus 70 pays, mais les Etats près de l’équateur y ont très peu recours puisque la variation de la durée du jour reste faible.
Economiser sur la consommation énergétique
Le changement d’heure a été adopté notamment pour limiter l’utilisation de la lumière artificielle. Le principe consiste à faire correspondre les heures d’activités avec les heures d’ensoleillement et ainsi ne pas recourir aux éclairages artificiels. Changer l’heure deux fois dans l’année permet donc de faire des économies d’énergie. Les résultats d’une étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’Énergie (ADEME) sur les impacts du changement d’heure publiée en 2010 confirment ce fait. Cette étude indique qu’en 2009, l’adoption de l’heure d’été avait généré 440 gigawattheures (GWh) d’économie d’énergie en termes d’éclairage. Ces calculs prennent compte des ménages, des boutiques, des entreprises et des espaces publics éclairés. Ce gain correspondrait à un an d’éclairage pour 800.000 familles soit l’équivalent de Marseille et d’Aix-en-Provence. Un bon geste également pour la planète, car ce gain correspond à l’émission de 44 000 tonnes de CO2 évitée. D’après les estimations de l’ADEME, 50 000 tonnes de CO2 seraient économisées chaque année. Elle avance également que les gains en termes d’énergie correspondraient à 340 GWH chaque année d’ici 2030.
Des économies mitigées
Bien que le passage à l’heure d’été permette de réaliser des économies d’énergie, elles restent néanmoins relatives. L’impact du changement d’heure sur la consommation énergétique reste faible d’après l’évaluation d’impact réalisée en 2017 par le Service de recherche du Parlement européen (EPRS). En Europe, les économies sont estimées entre 0,5% à 2,5% selon le pays. Cette différence est due au fait que les pays du nord et ceux du sud sont exposés au soleil de manière très distincte. Ces résultats s’apparentent aux estimations actualisées des gains estimés par l’ADEME. Les gains sur la consommation énergétique s’élèvent désormais à 351 GWh soit 0,07% de la consommation totale. Une tendance à la baisse expliquée par l’amélioration de la performance des systèmes d’éclairage et à l’ambition croissante des politiques énergétiques selon l’ADEME.
Les impacts sur la santé
Du côté des opposants au changement d’heure, cet impact énergétique est marginal. Dans le registre de la santé, les potentielles conséquences sont jugées néfastes telles que la perturbation des rythmes biologiques. En 2014, une étude présentée à l’American College of Cardiology avance que le risque de crise cardiaque est 25 % plus élevé le lundi suivant le changement d’heure que les autres lundi de l’année. Par ailleurs, au-delà du changement d’heure, la vigilance est de mise. Le service de la sécurité routière a relevé un pic d’accidentalité en période de changement d’heure notamment entre 17 h et 19 h. Les accidents corporels seraient en augmentation de 47% à cause du manque d’éclairement des villes et des routes. En 2011, la Russie a abandonné le changement d’heure en partie pour cette raison en estimant que 70.000 personnes trouvaient la mort dans la semaine suivant cette période due aux accidents, crises cardiaques et aux suicides à cause de manque de sommeil. D’autres pays comme l’Egypte ou la Tunisie ont déjà également renoncé au changement d’heure. D’autre part, selon un sondage OpinionWay effectué en 2017, plus de 75% des Français préfèreraient rester en heure d’été. A l’échelle européenne, 8 personnes sur 10 seraient en faveur de l’arrêt du changement d’heure pour ne garder que l’heure d’été. En tout, 4,6 millions d’internautes européens ont donné leur avis sur le sujet.
Vers la fin du changement d’heure
Les bénéfices concernant ce changement d’horaire suscitent bien des critiques. La fin du changement d’heure et l’adoption de l’heure d’été comme horaire unique pourraient être mises en œuvre dès 2020. Au mois de février, les députés européens avaient adopté une résolution pour mettre fin au changement d’heure deux fois par an. Ce texte a été soumis à la Commission Européenne ainsi qu’aux dirigeants des Etats membres qui disposent de la compétence pour statuer sur le sujet. La direction Mobilité et Transport de la Commission a d’ailleurs commandé une étude sur le sujet. Quels impacts sur l’économie entraineraient la fin du changement d’heure ? Les différentes politiques concernant l’économie d’énergie notamment en matière d’éclairage basse consommation et d’isolation thermique des bâtiments ont considérablement diminué l’impact du changement d’heure sur les économies d’énergies si l’impact était réel dans les décennies précédentes. A bien considéré, il est probable que la fin du changement d’heure impacte plus sur les modes de vie que sur l’économie d’énergie proprement dite. Jusqu’à ce jour, aucune étude scientifique n’a prouvé que le changement d’heure est réellement néfaste ou au contraire vraiment utile pour la santé ou pour les économies d’énergie. Dans tous les cas, la décision de la Commission Européenne est fortement attendue sur le sujet.